Stratégie : Comment favoriser l’engagement professionnel ?

07/02/2024
Par Justine Massu

Le concept d’engagement professionnel ne date pas d’hier mais constitue toujours un des principaux leviers de la motivation, de la satisfaction et de la performance au travail. Depuis les travaux piliers de Meyer et Allen en 1991, la recherche s’évertue à identifier et comprendre les différents leviers de l’engagement, ainsi que ses conséquences pour le collaborateur et l’organisation. Cet article propose d’explorer l’engagement et sa pertinence dans le fonctionnement actuel des organisations.

La théorie de l’engagement professionnel :

Meyer et Allen (1991) ont développé la théorie de l’engagement professionnel, qui a été largement utilisée pour comprendre le lien entre les employés et leur organisation.

Dans l’article intitulé « Commitment in the Workplace: Theory, Research, and Application », ils définissent l’engagement professionnel comme une force psychologique qui lie un individu à son organisation.

Cette liaison est composée de trois éléments distincts :

  1. l’Engagement Affectif :

-Il reflète le lien émotionnel entre l’employé et l’organisation.

-Les individus ayant un fort engagement affectif ont un attachement émotionnel à leur entreprise, se sentent fier d’y appartenir et sont enclins à rester en raison de leurs sentiments positifs.

 

  1. l’Engagement Continu :

– Il concerne le coût perçu de quitter l’organisation.

– Les employés fortement engagés continuellement évaluent les avantages et les inconvénients de quitter leur emploi, et les coûts perçus de départ peuvent les inciter à rester.

 

  1. l’Engagement Normatif :

– Il est lié au sentiment de devoir moral ou d’obligation envers l’organisation.

– Les individus avec un engagement normatif fort restent au sein de l’organisation car ils estiment que c’est la bonne chose à faire, même s’ils n’ont pas nécessairement un attachement émotionnel fort.

 

Ces trois formes d’engagement peuvent coexister. Un collaborateur peut ainsi éprouver un lien émotionnel fort avec l’organisation, estimer qu’il serait trop coûteux de la quitter et se sentir moralement responsable.

Notons également que ces trois formes d’engagement peuvent porter sur différents niveaux au sein de l’organisation : le poste, l’équipe ou encore l’organisation et sa mission. On peut, par exemple, ressentir un fort engagement normatif au niveau organisationnel car l’on travaille au sein d’une organisation qui est, selon nous, d’utilité publique et un fort engagement affectif au niveau de l’équipe car nous avons créé des relations très fortes avec notre manager et nos collègues.

L'Application de la Théorie dans le Monde Professionnel

Comme vous l’aurez probablement deviné, l’engagement affectif constitue le plus fort levier de motivation pour les collaborateurs sur le long terme. Pour autant, les trois formes d’engagement présentent des atouts pour l’organisation et sont actionnables par différentes pratiques. Voici quelques exemples :

Favoriser un environnement de travail positif peut renforcer l’engagement affectif. Pour cela, les RH peuvent mettre en place des pratiques visant à permettre aux collaborateurs de choisir avec qui ils travaillent. Une équipe cohésive saura mieux faire face aux défis et répondre aux objectifs qu’une équipe compétente mais qui ne sait pas travailler ensemble.

L’engagement affectif favorise également la proactivité : les collaborateurs auront tendance à s’entraider davantage, évitant ainsi que certains aient une surcharge de travail.

Investir sur la formation continue et le développement professionnel peut accroître l’engagement continu. L’engagement continu ne se résume pas au coût en terme de salaire mais à l’ensemble des avantages et bénéfices que l’organisation propose. Un collaborateur peut ainsi rester au sein de l’organisation car son poste est proche de son domicile, il peut télétravailler, il a des horaires flexibles, il est formé à de nouvelles compétences, il ne trouverait pas un poste aussi intéressant ailleurs, etc…toutes ses raisons constituent des leviers RH qui favorisent l’engagement et permettent la rétention des employés.

 

Développer et asseoir une culture organisationnelle axée sur des valeurs de partage et une éthique forte peut renforcer l’engagement normatif. Dans l’organisation, les valeurs décrivent les croyances fondamentales partagées par les membres. Les valeurs organisationnelles influent sur la culture de l’entreprise, les normes comportementales et les décisions prises au sein de l’organisation. Elles jouent un rôle crucial dans le développement de l’engagement professionnel. Plus ces valeurs sont centrées autour de l’auto-transcendance c’est-à-dire tournée vers le bien-être d’autrui, le respect et la protection du vivant et de l’environnement, plus elles entrainent la présence d’engagement normatif pour les membres de l’organisation.

 

Lors de changements organisationnels, impliquer les employés dans le processus et les informer sur les bénéfices à long terme peut atténuer les inquiétudes liées à l’engagement continu. Les changements vont vaciller l’engagement des collaborateurs qui peuvent perdre ou gagner des sources d’engagement. Impliquer les collaborateurs leur permet de se sentir écouter et de prendre part aux décisions qui les concerneront directement, assurant ainsi la prise en compte de leurs leviers d’engagement. Ces leviers sont propres à chacun et il n’est pas toujours possible de tous les maintenir ou les mettre en place, néanmoins l’implication des collaborateurs permet de prendre des décisions plus respectueuses de leurs besoins et de mieux informer les raisons quant aux décisions prises.

Utiliser les nouvelles technologies pour communiquer plus rapidement et plus directement avec chaque collaborateur. Elles rendent également les pratiques professionnelles plus flexibles, permettant à chacun d’optimiser ses méthodes et horaires de travail. Le télétravail, rendu possible grâce aux nouvelles technologies, est aujourd’hui un levier important de l’engagement continu.

Conclusion

La théorie de l’engagement professionnel de Meyer et Allen offre un cadre robuste pour comprendre la relation complexe entre les individus et leur organisation. Cet engagement fluctue et peut rapidement décroitre lorsque les collaborateurs ne trouvent plus de source d’engagement dans l’environnement de travail. Le sens au travail, la mission et les valeurs de l’organisation ou encore les relations positives doivent constamment être au cœur des préoccupations des RH pour maintenir l’engagement des collaborateurs.

 

En utilisant les composantes de l’engagement affectif, continu et normatif, les entreprises peuvent mettre en place des stratégies efficaces pour attirer, retenir et motiver leur personnel. Il est aujourd’hui possible de mesurer les niveaux d’engagement de nos collaborateurs pour prendre les décisions adaptées et nécessaires à la motivation et à la performance des collaborateurs.

Justine Massu
Docteur en Psychologie du Travail // Chercheuse en Innovation organisationnelle chez Skapa Agency